Initiation aux Tendances

LEÇON 2 : DÉFINIR UN CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE

A - MÉTHODES D'ANALYSES

A.1 - INTRODUCTION

Pour définir une tendance, nous allons analyser comment un contexte économique influence les esthétiques et donne les tendances d’une période donnée. Il s’agit d’une véritable enquête au cœur d’une époque pour mesurer l’importance des interactions entre l’air du temps et son application cosmétique sur les objets du quotidien.

Nous allons nous appuyer sur un exemple vieux d’un siècle, les années 1920, riches en transformations économiques, sociétales et stylistiques.

Notre méthodologie d’analyse partira des indices esthétiques aux faits historiques, sociaux et économiques.

Il est en général plus aisé d’observer les influences socio-économiques sur la mode féminine que sur la mode masculine, c’est pourquoi nous allons prendre essentiellement des exemples féminins.

A.2 - ANALYSES FORMELLES

Le premier type d’analyse possible (et le plus simple) est l’analyse formelle. Commençons par analyser concrètement ce que l’on voit, ce qui nous permet de dater les images.

A.3 - ANALYSES DE SINGULARITÉ

Pour mieux comprendre l’unicité de cette mode et de cette période, regardons les périodes précédentes et les périodes suivantes :

A.4 - ANALYSES DU CONTEXTE ESTHÉTIQUE

L’analyse du contexte esthétique est intéressante aussi car elle permet d’identifier plus facilement une époque d’une autre.
 
Nous allons maintenant observer l’environnement stylistique de cette période en termes de design, d’architecture, de mobilité...
 
Nous sommes au paroxysme du mouvement Art Déco, un mouvement qui valorise les formes géométriques, graphiques, architecturées, conceptuelles et modernes pour l’époque. Il succède à la période Art Nouveau, dite « art nouille » pour la mollesse des formes organiques et son ornementation inspirée de la nature.

A.5 - ANALYSES DU CONTEXTE HISTORIQUE

Nous continuons notre enquête en nous attardant sur les faits historiques qui ont marqué la période et ont pu orienter les valeurs de l’époque.

C’est une période de « trêve », d’insouciance, située entre deux périodes clés : la fin de la guerre 14-18 et la crise de 1929.

C’est une période de (re)construction : on reconstruit les dommages de la guerre.

Peintres et artistes ont envie de faire table rase du passé et d’inventer un nouveau langage plastique, élancé, géométrique, urbain, montrant la puissance créatrice et conceptuelle de l’humain.

C’est aussi l’avènement du mouvement surréaliste, le début de l’électroménager, du music-hall, de la culture populaire, du cinéma...

A.6 - ANALYSES DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE

Il est aussi intéressant de s’intéresser au contexte économique, qui peut avoir, nous le verrons, un impact non négligeable sur la mode.

La période est économiquement favorable, comme souvent après des périodes de guerre.

Le plein emploi est assuré par le besoin de reconstruire les zones sinistrées, par le progrès et les innovations techniques, par l’augmentation de la productivité et par la hausse du pouvoir d’achat.

De nombreux produits stimulent les échanges économiques : radio, automobile, aviation, pétrochimie, électricité.

L’accès à l’électricité favorise le développement des usines et de l’industrie. La bourse s’envole jusqu’à son krach en 1929.

A.7 - ANALYSES DES VALEURS DE L’ÉPOQUE

Il est important de noter les évolutions des mœurs. Parle-t-on d’ouverture ou, au contraire, d’un retour de la pudibonderie ?

Aux pénuries de la guerre succède l’abondance, à l’enlisement dans l’effort de guerre on préfère la libération des corps et des esprits, à l’épouvante mortifère de la Grande Guerre on choisit l’exubérance de la fête !

Les femmes commencent à s’émanciper, notamment par la mode et les activités sportives. Paul Poiret enlève les corsets, Chanel assouplit les tissus, et Schiaparelli insuffle un vent de fantaisie.

A.8 - PERSONNALITÉS QUI ONT MARQUÉ L’ÉPOQUE

Certaines conjonctures permettent à des personnalités d’émerger et de marquer leurs époques. Elles réussissent car elles arrivent à capter l’air du temps et à faire des propositions esthétiques qui sont attendues, consciemment ou inconsciemment, par les consommateurs.

GABRIELLE CHANEL (1883 - 1971)
Dès les années 1910, elle propose des chapeaux à contre-courant de la mode des élégantes ; les formes sont simples, épurées alors que la mode est à la surrenchère d’ornementation. Petit à petit, elle impose un style confortable et chic, très simple et sans taille, pour libérer le corps des femmes comme le couturier Paul Poiret l’avait déjà amorcé en supprimant les corsets. C’est après la Première Guerre Mondiale que la Maison Chanel pourra se déployer et connaître le succès qu’on lui connait.

A.9 - CONCLUSION

Revenons sur notre analyse initiale des silhouettes féminines typiques de l’époque et révisons-la à la lumière des éléments nouveaux de notre enquête.

1. UNE PÉRIODE ÉCONOMIQUE FASTE
Les mœurs se relâchent, les libertés individuelles se développent.
Les jupes raccourcissent.

2. UNE DEMANDE POUR UN MONDE NOUVEAU
Après des périodes « noires », les individus expérimentent de nouveaux codes.
La coupe garçonne, osée, est ainsi progressivement acceptée.

3. UNE ÉPOQUE D’ACCÉLÉRATION TECHNIQUE
Industrie, automobile, électricité : les activités de l’époque visent la mobilité et la puissance.
Les silhouettes sont fluides ; on favorise la liberté de mouvement.

4. LES FEMMES S’ÉMANCIPENT
Droit de vote en Angleterre, audacieuses... les femmes s’affirment.
La silhouette est légèrement plus masculine, en « I », avec les attributs de la sexualité féminine gommés.

Il est donc important de prendre en compte le fait que la mode et les tendances sont une expression esthétique et comportementale qui se matérialise en réaction aux événements de la période observée.

B - QUELQUES RÈGLES

B.1 - LA LOI DE L’OURLET

La loi de l’ourlet, élaborée par George Taylor en 1926, établit que plus l’économie est bonne, plus les jupes raccourcissent.

Les femmes, ayant un pouvoir d’achat plus fort, pouvaient ainsi acheter des bas de soie et découvrir leurs jambes. Après la crise de 1929, les jupes ont rallongé drastiquement, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Deux chercheurs de l’Econometric Institute de l’université de Rotterdam ont affiné cette étude après avoir remarqué que les jupes étaient extrêmement courtes en 2010 alors que la crise économique battait son plein.

Ces deux chercheurs ont donc comparé l’évolution de la hauteur de l’ourlet à la conjoncture économique américaine, mois par mois, de 1921 à 2009. Leur étude, publiée en 2010, révélait que « l’économie influence la hauteur de l’ourlet durant trois ans environ. Ainsi, c’est parce que l’économie était florissante en 2007 que les jupes sont présentement courtes ». Cependant, étudier la longueur des jupes pour prédire l’avenir de l’économie n’apporte malheureusement aucune pertinence.

 

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la pénurie de tissu est encore présente; malgré tout, en 1947, Christian Dior monte sa maison de couture et présente sa collection « New Look » : des silhouettes en forme de fleur, généreuses et novatrices pour l’époque. Ces robes nécessitent 40 à 80 mètres de tissu pour leur confection. Il est dit que les industriels préfèrent rallonger leurs robes pour utiliser plus de tissu en temps de crise économique ; ils jouent sur l’effet prix par produit plutôt que la création de robes courtes dont le plus faible prix de vente sera répercuté sur le volume pendant les périodes fastes.

B.2 - LES LANCEMENTS POLITIQUES & ÉCONOMIQUES

Dans le passé, il est arrivé que des dirigeants aient imposé des règles en matière de mode pour relancer l’économie, volontairement ou involontairement.

L’ÈRE MEIJI ET LA MODERNISATION DE L’INDUSTRIE TEXTILE
Pendant l’ère Meiji au Japon, le gouvernement a initié des réformes économiques pour moderniser le pays. Ces réformes comprenaient des politiques de soutien à l’industrie textile, telles que des subventions et des incitations fiscales, pour encourager la production locale de tissus et de vêtements. En parallèle, l’empereur et le gouvernement ont promu l’utilisation de textiles nationaux dans les vêtements traditionnels japonais, stimulant ainsi la demande intérieure. Cela a conduit à la modernisation de l’économie du pays, avec une augmentation de la production de kimonos et d’autres vêtements traditionnels japonais.

 

NAPOLÉON BONAPARTE & LA BRODERIE
Alors que les tisserands et brodeurs de Lyon, en France, voient leur activité péricliter, Napoléon impose une étiquette stricte pour paraître à la cour et relance les commandes des industries lyonnaises.

 

MARIE-ANTOINETTE ET LE COTON
La robe dite « à la Reine » a fait scandale en 1779 car jugée trop négligée et déshabillée. Pourtant, les courtisanes et bientôt les femmes du monde vont l’adopter, lançant involontairement la croissance de l’industrie du coton.

B.3 - CONCLUSION

Ainsi, nous venons de voir comment les tendances de la mode sont influencées et propagées par les contextes socio-économiques et politiques à travers l’histoire.

C - LA CRÉATION D’UNE TIMELINE

C.1 - L’ÉTUDE DE LA MODE VS LES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS

Il peut être intéressant de mettre en parallèle les évolutions des tendances esthétiques et comportementales avec des événements sociaux, économiques et politiques.

Nous allons voir comment créer un tableau qui peut faciliter cette grille de lecture.

C.2 - EXEMPLE D'UNE TIMELINE

PREMIÈREMENT
Inscrivons les grands événements marquants, ici économiques, sur la période de temps que nous voulons observer. Nous nous concentrerons sur les événements qui ont touché de près ou de loin les générations contemporaines.

DEUXIÈMEMENT
Ajoutons les événements sociétaux qui ont caractérisé les époques. Nous allons analyser les attentes sociales de l’époque.

TROISIÈMEMENT
Indiquons sur la ligne du temps les marqueurs forts de la mode. Cela peut également inclure des aspects de design, de l’alimentation, du sport ou tout autre élément nécessitant d’être étudié.

Une fois les éléments de la ligne du temps placés, il est également intéressant d’étudier ce que les différentes génération sont vécu pour mieux comprendre leurs goûts et leurs comportements d’achat.